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If we lived with animals, rather than exploiting them

1 May, 2013

Laurence Arpin

After a whole semester, I can say I really enjoy my studies in veterinary medicine. I feel it gives me the tools I’ll need to further delve into animal husbandry-related ethical issues. By the way, I recently reacted to an article published in the University of Montreal’s journal, ForUM (01-14-13), defending industrial agriculture. The article, called “À la défense de l’agriculture industrielle”, related Dr. Jean-Pierre Vaillancourt (DMV)’s opinions. As a student in veterinary medicine, I felt the need to express another point of view on this particular question of the farm animals’ welfare. My response has been published in the same journal (01-28-13), as well as on the Union paysanne’s Facebook. Here it is (in French) :

Et si l’on vivait avec les animaux, plutôt que de les exploiter ?

Élevage et productions animales ne sont pas synonymes. Comme le défend avec brio Jocelyne Porcher, chercheuse à l’INRA, dans son ouvrage Vivre avec les animaux ; une utopie pour le XXIe siècle1, il existe une nuance fondamentale entre ces deux concepts. Alors que le premier implique notre subjectivité – celle de l’animal tout comme celle de l’éleveur –, le second se réduit à un simple calcul de rentabilité. J’ai été très interpellée par la lecture de l’article «À la défense de l’élevage industriel», paru le 14 janvier dernier dans le journal Forum (Université de Montréal), sous la rubrique «Médecine vétérinaire». En tant qu’étudiante dans ce programme, je refuse d’être complice passive de l’idéologie avancée, et c’est pourquoi je ne peux m’empêcher d’y réagir en contredisant certains propos tenus qui m’apparaissent être erronés et lourds de répercussions. Au moyen de chiffres et de calculs savants, Dr Jean-Pierre Vaillancourt semble faire l’apologie de «l’élevage industriel» (sic), oxymore commun qui ferait mieux d’être remplacé par l’expression «productions animales». En relevant une certaine erreur de logique dans le raisonnement proposé, je tenterai pour ma part de réajuster le tir et d’ainsi offrir une perspective plus judicieuse de ce que pourrait être un véritable élevage pour les lendemains de notre agriculture, de notre société…

Tout d’abord, je dois dire que je ne suis ni végétalienne, ni militante pour la «libération animale», concept qui ne me fait que très peu de sens en regard de l’harmonieux commensalisme dont font preuve nombre d’espèces domestiques avec l’être humain, pour peu qu’un environnement propre à leur épanouissement leur soit offert. Si j’ai décidé d’étudier la médecine vétérinaire, c’est que j’ai une grande considération pour la relation homme-animal qu’a permis la domestication il y a plusieurs millénaires de cela. Seulement, à mon sens, le profit de cette relation ne devrait pas être unilatéral.

Je pense qu’il relève du sophisme que d’arguer qu’en délaissant les productions animales industrielles, il faudrait défricher de grandes superficies agricoles supplémentaires afin de subvenir aux besoins en protéines végétales de l’humanité. Il est possible de produire et de consommer de la viande sans avoir recours à la structure industrielle ; il suffit de penser à l’élevage en montagne et autres territoires infertiles, là où le bétail trouve son bonheur alors que le moindre grain de blé ne pousserait pas. Ce type d’élevage repose réellement sur ces aliments résiduels, inconvenables à l’être humain (prairies et sols incultes), qu’évoque Dr Vaillancourt. Il est plutôt ironique que cet argument des résidus ait été utilisé pour tenter de défendre le paradigme industriel, puisque justement, la tendance moderne tend à faire diminuer l’apport de résidus dans l’alimentation du bétail au profit de concentrés énergétiques: maïs et son ensilage, soja, etc. Or, nous le constatons bien dans nos campagnes, ce sont ces monocultures qui envahissent les champs et qui contribuent au faible ratio de la conversion des protéines végétales en protéines animales!

Le système industriel est bien plus avare en ressources naturelles que l’élevage de petite dimension. De surcroît, ce dernier s’avère largement plus respectueux des besoins fondamentaux des animaux, sans qu’il soit question d’ériger ces derniers au même niveau que celui des droits humains. À ce sujet, de plus en plus d’études scientifiques sérieuses2 viennent prouver que l’agriculture traditionnelle de petite échelle, qu’on la nomme biologique ou tout simplement naturelle, répondrait amplement aux besoins nutritifs de l’entière humanité, et même davantage3. Ces démonstrations invalident les critiques souvent faites par les promoteurs d’une agriculture industrielle, à savoir que son versant «archaïque» ne pourrait suffire à alimenter tous les êtres humains. Je terminerai en disant ceci à propos de l’impossibilité économique supposée du passage du modèle industriel à celui d’un élevage plus respectueux : le modèle paysan et celui des circuits courts s’épanouissent et nourrissent moult individus avec des moyens que ne pourrait souffrir la machine industrielle. Une fois de plus, le système conventionnel est bien plus avare que ses alternatives pour lesquelles militent de nombreuses personnes qui se rappellent qu’on devient pour toujours responsable de ce qu’on a apprivoisé4.

Il est certain qu’un changement de paradigmes nécessiterait davantage d’individus impliqués en agriculture ; mais 12% de la population impliquée en agriculture – si tel est l’exact chiffre ! –, c’est souhaitable!  Oui, il faut y croire à plus de jeunes établis en région, plus de paysans qui vivent de leur travail!  C’est ce projet de société que visent les nombreuses luttes paysannes actuelles5. De toute façon, pour de multiples raisons, moult Américains ne s’en porteraient que mieux de mettre leurs mains dans la terre ! Certes, de gros changements de valeurs seraient nécessaires pour en arriver à un tel «renversement sociétal», mais je crois que certaines fatalités bien proches en forceront plusieurs, de toute façon.  Le pain est primordial; sans lui, on n’a pas trop de concentration pour faire profiter nos placements à la Bourse, ni pour prévoir le trajet de nos oléoducs!  

Et à propos du «réalisme» que se plaisent à évoquer plusieurs scientifiques, rappelons-nous qu’il y a quelques décennies, le séquençage du génome humain ne devait pas paraître très réaliste à leurs propres yeux!  Il ne faut pas s’arrêter devant ce qui nous semble être la meilleure solution, sous peine qu’elle nous semble a priori peu réaliste.

Dr Vaillancourt parle de s’assumer en tant qu’être humain ; il me semble que l’expérience de rapports inter-espèces harmonieux ne pourrait qu’y contribuer, plutôt que d’essayer de se construire une raison qui légitime notre rapport indûment violent aux animaux.

1 PORCHER, Jocelyne. Vivre avec les animaux ; une utopie pour le XXIe siècle, Éditions La Découverte, Paris, 2011, 159 pages.

2 CAPLAT, Jacques. L’agriculture biologique pour nourrir l’humanité : démonstration, Editions Actes Sud, Collection Domaine du possible, France, mars 2012, 477 pages.

3 Jean ZIEGLER, ancien rapporteur spécial auprès de l’ONU, ne cesse de dénoncer l’honteux gaspillage alimentaire qui boucle la boucle du système agricole industriel. La Terre disposerait de tout le nécessaire pour nourrir convenablement huit milliards d’êtres humains, et même bien davantage.

4 Adaptation de la célèbre citation d’Antoine de SAINT-EXUPÉRY. Le Petit Prince. 5 À ce sujet, voir Campagnes Solidaires, le mensuel de la Confédération Paysanne, organisation syndicale française. Voir également l’initiative québécoise de l’Union paysanne au www.unionpaysanne.com